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Pauline Lecocq

4 MARIAGES ET 1 ENTERREMENT (critique)

L'une des plus célèbres comédies romantiques britanniques a 28 ans aujourd'hui. L'occasion pour Pauline Lecocq de revenir sur l'un de ses films favoris pour Pettri.

Parler de cette célèbre comédie romantique, qui a posé les jalons du genre tel qu’on le connaît aujourd’hui et fait de son acteur principal (Hugh Grant) une star tout comme son scénariste (Richard Curtis), est loin d’être facile. En effet, on ne présente plus ce film culte britannique, succès surprise de 1994 dans le monde entier, et notamment en France (5,8 millions d’entrées !). Mais même s’il est léger, ce film n’en reste pas moins profond.

La mise en scène discrète et efficace de Mike Newell laisse la part belle aux dialogues et aux acteurs. Parlons d’eux justement et de leurs personnages. Le long-métrage a lancé plein d’acteurs ou les a confirmés, notamment Hugh Grant (tout en l’enfermant quelque peu dans ce rôle de jeune premier maladroit au flegme irrésistible). Le fameux « Bugger » (« putain » en français), premier mot du film, représente parfaitement l’embarras du personnage de Charles : 30 ans, éternel célibataire malgré quelques conquêtes, charmant mais ayant peut-être peur de l’engagement, toujours en retard, et se retrouvant régulièrement dans des situations gênantes ou rocambolesques. Ce héros, innovant pour l’époque, est une sorte de Bridget Jones masculin avant l’heure : malhabile et adorable. C’est d’ailleurs comme si les rôles de ce genre de films si codifié était inversé : la femme américaine est la séductrice sûre d’elle et l’homme anglais est gauche et quelque peu effarouché par tant d’assurance. Andie MacDowell (qui sortait de plusieurs succès dont Un Jour sans fin) est parfaite dans ce registre et dans l’évolution de son personnage. Ensuite, une pléthore de seconds rôles incroyables est à noter. Notamment Rowan Atkinson (Mr. Bean) en prêtre en formation qui a une scène d’anthologie où il est tellement nerveux qu’il commet gaffe sur gaffe ! Mais aussi : Simon Callow (Gareth), John Hannah (Matthew), Kristin Scott Thomas (qui a obtenu un Bafta pour son rôle de Fiona), James Fleet (Tom), Charlotte Coleman (Scarlett), Anna Chancelor (« tronche de canne »), Sophie Thompson (Lydia), David Haig (Bernard)… David Bower (David) incarne le frère sourd et muet du héros, ils échangent donc en langue des signes, ce qui devient d’une importance capitale lors du climax du film. On apprécie particulièrement la place importante que Curtis accorde à des personnages avec des handicaps (la meilleure amie en fauteuil roulant dans Coup de foudre à Notting Hill par exemple). De plus, il s’agit probablement de la première représentation d’un couple gay (le dionysiaque Simon Callow et le merveilleux John Hannah) dans un film grand public, heureux qui plus est.

De façon plus générale, le film propose une réflexion sur ce qui obsède peut-être son scénariste à travers ses films : le temps et l’amour. Qu’ils soient dépeints sous différentes formes pendant une courte période (au cours des cinq semaines précédant Noël dans Love actually) ou explorés à travers le voyage dans le temps dans une vie ordinaire (About Time), ces deux thèmes paraissent inéluctablement connectés l’un à l’autre dans l’œuvre de Richard Curtis, toujours avec beaucoup d’humour et de charme. Pas d’exception ici. En effet, on trouve une peinture réussie de l’amitié (que l’on peut considérer comme une forme d’amour) avec cette bande d’amis, pourtant tous très différents (notamment cette règle que le nouveau petit copain ou la nouvelle petite copine doit être apprécié.e par les amis). La réflexion sur l’amour et le temps est tout aussi belle : le temps, cet élément clé, renforce-t-il un amour naissant ou le fait-il s’évaporer ? Cette question existe depuis la nuit des temps et continuera à être explorée dans d’autres œuvres. Ici, il s’agit de prendre son destin en main ou de se laisser porter, de parler des opportunités manquées ou ratées, de la vie, l’amour et la mort. Le film est découpé en cinq parties (voir le titre), comme les cinq actes d’une tragédie, ce qui renforce quelque peu l’idée que le long-métrage n’est pas qu’une comédie, mais bien plus que ça : un grand film car il dépasse son genre. Justement, l’idée du temps revient encore dans la scène de l’enterrement avec le magnifique poème « Funeral Blues » de W.H. Auden : la première phrase n’est autre que « Stop all the clocks » (« arrêtez toutes les horloges »). Il décrit l’état d’errance quand on perd un être cher. Sans musique mélodramatique, juste l’écho d’une voix dans une église, cette séquence est un sommet d’émotion et sonne extrêmement juste et vrai. On est sûr.e de verser une larme à ce moment-là, même après moult visionnages. Quatre mariages et un enterrement tend ainsi à célébrer le sublime et le grotesque de la vie, que ce soit avec la joie et la comédie mais aussi la tristesse, le manque et le drame, à travers les événements marquants de vies ordinaires, qui ressemblent beaucoup à la nôtre. C’est ce difficile équilibre mélancolique que ce film formidable a réussi à trouver et à dépeindre.

Ce sentiment de mélancolie passe aussi par la bande originale. En effet, le long-métrage est sublimé par la magnifique musique de Richard Rodney Bennett (on vous encourage à réécouter “Carrie’s bedroom”, sommet de romantisme), mais également par les chansons utilisées, notamment plusieurs titres d’Elton John (“Crocodile Rock”, “Chapel of love”, “But not for me”, sublime reprise de George Gershwin qui ouvre le film) et puis ce fameux morceau de Wet Wet Wet, “Love is all around”, qui sera repris avec grand succès dans Love Actually pour devenir “Christmas is all around” (ce titre est définitivement une obsession de Curtis !) !

De plus, le long-métrage égratigne gentiment les cérémonies et cette sacro-sainte union du mariage en disant que (SPOILER) l’on n’est pas obligé de se marier pour être heureux et faire fonctionner son couple, ce qui était très novateur pour l’époque et un bon reflet du changement sociétal des années 1990, notion qui reste toujours importante aujourd’hui.

En 2019, pour célébrer les 25 ans de la sortie du film, le scénariste écrit une suite de 14 minutes intitulée One Red Nose Day and A Wedding pour le Red Nose Day de son association Comic Relief (évènement important au Royaume-Uni, un peu l’équivalent de notre Téléthon français). On y célèbre évidemment un mariage : mais alors qu’on pourrait se demander si le talentueux Richard Curtis est rentré dans le rang, il arrive encore à nous surprendre ! Et quel plaisir de retrouver quasiment tout le casting du film original (des rôles principaux aux rôles plus secondaires) et de trouver quelques talentueuses guest stars ! On regrettera simplement l’absence de la merveilleuse Charlotte Coleman (Scarlett), décédée en 2001. A découvrir absolument ! On passera en revanche sur la série Quatre mariages et un enterrement co-écrite et coproduite par Mindy Kaling (qu'on aime beaucoup) et diffusée sur la plateforme Hulu en 2019, mais qui reprend simplement le principe d'une bande d'ami.e.s à Londres, avec Andie MacDowell en guest star du film original, sans reprendre la patte de Richard Curtis.

En outre, on est des fervents défenseurs de la version originale mais, pour ce film-ci, il faut tout de même avouer que la version française est particulièrement réussie (« Tronche de caaanne », « Voulez-vous prendre pour pelouse » et tant d’autres), et notons que c’est Vincent Cassel qui double Hugh Grant (juste avant d’exploser un an après en tant qu’acteur dans La Haine).


Quatre mariages et un enterrement est donc LA comédie romantique britannique par excellence (avant d’autres scénarios et/ou réalisations de Richard Curtis), et plus que ça en réalité, qui, malgré ses bientôt 30 ans, n’a pas vieilli : elle reste toujours aussi drôle, charmante, profonde et moderne. On vous encourage donc à la voir et à la revoir : vous ne vous en lasserez pas et elle saura vous accompagner tout au fil de votre vie.

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