House of the Dragon, c’est LA série-événement de la rentrée 2022 ! Ce prequel à Game of Thrones, adapté du Feu & Sang de George R.R. Martin, divise autant qu’il fascine les aficionados. Pour PETTRI, Jofrey La Rosa se risque à donner son avis, après avoir partagé une analyse à contre-courant de la série-mère.
Ma parole n’est pas légion. Loin de là. J’ai aimé Game of Thrones quand la majorité s’en est désintéressée. Quand elle a arrêté d’être une adaptation de bouquins (relous?) pour devenir une vraie série. En gros, je préfère largement la fin que le début. Mais vous pouvez aller lire mon article si ce postulat vous intrigue. Donc, quand tout le monde s’est effrayé alors qu’HBO prévoyait des spin-off, je m’en réjouissais, d’autant plus que maintenant que tout cela était au top du mainstream, je savais qu’ils débloqueraient le budget nécessaire à la construction du monde de Westeros. Mais bref, House of the Dragon. On est 170 ans avant les événements contés dans la série-mère : Daenerys, Jon Snow, les Stark, tout ça. Les Targaryen règnent encore sur les Sept Royaumes, et on découvre King’s Landing à la grande époque, faste et dans une paix relative. Mais pas après un bref prologue où l’on nous conte la succession difficile du Roi Jaehaerys, privé de ses héritiers directs, et qui confie l’héritage de son trône à son petit-fils Viserys (Paddy Considine), au détriment de sa cousine Rhaenys (Eve Best). Suivent ensuite dix épisodes tendus où Viserys hésite d’abord à confier sa succession à sa fille Rhaenyra (Milly Alcock), faute d’héritier mâle (à cette époque).
Ça, c’est à peu près la trame du premier épisode. Après, on nous développe tout ça sur une dizaine d’heures passionnantes, faites de jeu de pouvoir, de sexe, d’inceste, de dragons, d’épées, bref tout ce qui a fait le succès de Game of Thrones, avec un changement de taille : on n’assiste plus à des avancées minimes et lentes dans les méandres du pouvoir, dans une narration éclatée entre une multitude de personnages sans réelle connection ni point de vue. Ouch je vais me manger des remontrances des gardiens du temple “martiniens”. Tant pis. Dans House of the Dragon, immédiatement plus digeste et engageante, le spectateur est plongé dans les affres d'une famille, entourée de quelques sbires, mais peu ou proue regroupée à un seul endroit, ayant des interactions entre eux. Du coup, ça se rapproche plus d’un récit “normal”, avec ses personnages, leurs conflits et leurs enjeux, sans éclatement spatial et, de fait, narratif. Évidemment, la série reste dans les grandes lignes très fidèles à Feu & Sang, le récit de la dynastie Targaryen par George R.R. Martin, mais elle adopte une narration plus concise, plus prenante, parce que resserrée autour de quelques personnages principaux. Et pourtant, elle arbore des ellipses temporelles qui pourraient désinvestir le spectateur, mais il n’en est rien. Bien au contraire, la série gagne en rythme, en sobriété, en impact émotionnel direct. La faute à deux showrunners de talent : Miguel Sapochnik, réalisateur de certains des meilleurs épisodes de Game of Thrones (Battle of the Bastards, The Long Night), et Ryan Condal, scénariste apparemment très doué, qu’on connaissait pourtant que pour des films avec Dwayne Johnson (Rampage, Hercule) et la série Colony (avec Josh Holloway).
Rhaenyra Targaryen et son amie d’enfance Alicent Hightower sont les ancres émotionnelles du récit de cette première saison. De leur relation enfantine à leur opposition nuancée à suivre dans la Danse des Dragons, les deux femmes sont dépeintes chacune par deux actrices : Milly Alcock (Upright, Reckoning) puis Emma D’Arcy (Wanderlust, Truth Seekers) pour Rhaenyra, Emily Carey (Wonder Woman, Tomb Raider) puis Olivia Cooke (Ready Player One, Sound of Metal) pour Alicent. Si le changement de comédiennes (nécessaire) choque un peu au premier abord, on ne peut pas s'empêcher d’y trouver des ressemblances physiques certaines. Malgré tout, je regrette un peu Milly Alcock, tout bonnement géniale à mon sens, véritable révélation. Mais Emma D’Arcy reprend le flambeau parfaitement, il faut aussi le reconnaître. Si Emily Carey jouait avec subtilité une Alicent encore en retrait, Olivia Cooke déploie tout une palette d’émotions folle, qui trouve son apothéose dans un pénultième épisode grandiose (The Green Council). L’intelligence de la série est, entre autre, de mettre les femmes au centre du débat : si “la Reine qui ne fut jamais” Rhaenys perd espoir dans le trône, Rhaenyra héritera de celui de son père, désespéré, sachant très bien ce que cette décision provoquera, comme pour réparer son erreur avec Rhaenys. Mais c’est sans compter sur le stratège qui lui sert de Main (le Second du Roi dans Game of Thrones, son plus proche conseiller), Otto Hightower (Rhys Ifans). Il va placer sa fille encore adolescente dans les pattes du Roi Viserys, sachant très bien qu’il finira par succomber à ses charmes. Alicent devient reine, et ça fout le bordel dans un gloubi-boulga déjà bien compliqué. Le rôle des femmes est exploré avec délicatesse et subtilité tout au long des dix épisodes qui composent cette saison 1, notamment dans leurs diverses positions : héritière, épouse, amante, adolescente, adulte, mère et “fille de”, tout y passe, et c’est magnifique. Et le reste du casting défonce aussi. Paddy Considine (Hot Fuzz, Submarine) interprète un roi juste et littéralement rongé par le pouvoir, alors que Rhys Ifans (Coup de foudre à Notting Hill, Harry Potter) impressionne par sa froideur. Mais c’est Matt Smith (Doctor Who, The Crown) qui impose son charisme évident à chacune de ses apparitions. Tout le monde l’a souligné, mais pas une réplique dans l’épisode 3 (Second of his Name), mais on ne voit que lui. De plus, Eve Best (Rhaenys) et Ewan Mitchell (Aemond) sont eux aussi très impressionnants, avec beaucoup moins de temps à l’écran.
La force de Game of Thrones, c’était son impeccable direction artistique, à tous les niveaux. Et évidemment, c’est aussi le cas ici. Pas étonnant quand on sait que Miguel Sapochnik chapeaute tout ça, adjoint de réalisateurs et réalisatrices doué.e.s. D’ailleurs, très bonne idée et initiative de confier les rênes d’épisodes à des femmes (Clare Kilner et Geeta Vasant Patel) : ça a autant de sens que les femmes ont un rôle plus que central dans la série on l’a vu. La mise en scène est soignée, limpide et belle, et sublime des scénarios vraiment prenants, jamais barbants. La musique de Ramin Djawadi est encore une fois superbe – et ça fait plaisir qu’ils ne rechignent pas à réutiliser le thème principal de GoT dans le générique, magnifique, sur le poids du sang et du feu dans les rouages du pouvoir. Et même les CGI sont toujours somptueux, notamment les dragons, les incrustations et extensions de paysages, malgré des rendus parfois bancals par moments (le Volume bonjour…). Mais les costumes, maquillages et décors sont absolument grandioses – et globalement la série est un délice pour les mirettes.
En définitive, House of the Dragon est une série de haute volée. Passionnante de bout en bout, pas une seconde de trop dans un récit parfaitement mené dans cette première saison, aussi intelligente et que questionnable par moments (on y romantise l’inceste tout de même). Une œuvre qu’on a hâte de voir grandir et évoluer, parce qu’aussi prometteuse que d’ores et déjà généreuse. Un must de la production sérielle contemporaine, il faut le reconnaître, même si on espère que le pape Martin la laissera se déployer loin de son joug un peu contraignant.
댓글