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BREAK POINT (critique)

Netflix revient sur l’année tennistique mondiale 2022 avec la série documentaire Break Point partie 1, soit 5 épisodes faisant le portrait de talents et de tournois de tennis (avant la partie 2 en juin). En parallèle de sa passion pour le cinéma et les séries, Pauline Lecocq est fan de ce sport et vous parle sur PETTRI de cette nouveauté disponible sur la plateforme américaine depuis le 13 janvier.

2022 a été une année charnière dans le monde du tennis masculin et féminin : des nouveaux numéros 1 (Daniil Medvedev, puis Carlos Alcaraz chez les hommes, Iga Swiatek chez les femmes), la retraite de Roger Federer et de Serena Williams (et de Jo-Wilfried Tsonga et Gilles Simon chez les Français), les deux Grands Chelems remportés par Rafael Nadal, dont un 14e titre à Roland-Garros (!)… Avec des plus jeunes qui poussent pour battre leurs idoles de jeunesse. Il s’est aussi passé des choses liées aux événements mondiaux : l’éviction de Novak Djokovic d’Australie par rapport au protocole Covid-19, la réaction pour lutter contre la guerre en Ukraine (points gelés à Wimbledon ainsi que joueurs et joueuses russes et biélorusses interdit.e.s de tournoi, drapeaux russes et biélorusses qui n’apparaissent pas dans les autres compétitions) etc.

Alors comment revenir sur l’année tennistique 2022 ? En faisant un portrait de quelques talents ? En revenant sur les tournois phrares ? En adoptant une narration chronologique ? Les créateurs, habitués des documentaires sportifs (Formula 1 : Pilotes de leur destin, que je n’ai pas vu parce que la Formule 1 ne me passionne pas), ont choisi de faire les trois à la fois, et ça fonctionne bien.

La série suit ainsi le parcours de 10 joueurs et joueuses du top 50, avec quelques exceptions comme les deux prodiges australiens Nick Kyrgios et Thanasi Kokkinakis à ce moment-là (SPOILER : Kyrgios va gagner 100 places avec une année de folie). Cette partie 1 de 5 épisodes suit donc les 6 premiers mois de l’année dans l’ordre chronologique et prend comme cadre quatre tournois, de l’Open d’Australie à Roland-Garros, en passant par les Masters d’Indian Wells (en Californie) et de Madrid, donc d’abord sur surface dure puis sur terre battue. La partie 2 qui sortira en juin s’attardera sur la deuxième moitié de 2022, avec Wimbledon et l’US Open, entre autres.

Break Point documente ainsi une année avec son lot de succès et d’échecs, mais principalement d’émotions fortes, de divertissement et de spectacle.

Mais pourquoi filmer du tennis ? Parce qu’il se révèle être un sport très cinématographique, avec des possibilités de faire des plans à échelle variée, de jouer avec le son (silence assourdissant, bruit de la balle, cris des joueurs et joueuses, applaudissements et réactions du public) et le montage (avec de magnifiques ralentis notamment), etc. Toute la grammaire cinématographique peut être utilisée pour raconter et documenter une histoire. Celle-ci est d’ailleurs propice à son lot d’action, de suspense, de montagnes russes émotionnelles (un match de tennis est imprévisible car tout peut changer en un instant) et de drama comme on dit en anglais. Je pense notamment à Toni Nadal (l’oncle et ancien coach de Rafa) qui aujourd’hui entraîne l’un d’un des 10 joueur.se.s filmé.e.s par Netflix : le Canadien Félix Auger-Aliassime. Celui-ci, lors de Roland-Garros, va devoir affronter Nadal, ce qui va créer un grand dilemme pour le coach et l’entourage !

Bien que classique dans son approche (on a droit aux interviews face caméra, aux séances d’entraînement et de gym, aux ralentis lors des matchs etc.), la série est tout à fait efficace et se veut la plus accessible possible, à la fois pour des passionné.e.s de tennis, des aficionados de sport en général, ou du grand public qui découvre ces joueurs et joueuses beaucoup moins connu.e.s que Roger, Rafa, Novak ou Serena (oui, on les appelle par leur prénom parfois, comme des pop stars). On aura donc des portraits variés et sympathiques (ou un peu moins) de joueurs et joueuses de moins de 30 ans qui veulent assurer la relève. On aura aussi accès à l’intimité de certains talents, des discussions avec leur famille notamment, dans leur langue maternelle. En termes d’audio, c’est ainsi un plaisir d’entendre autant de langues dans un même programme (anglais évidemment mais aussi Italien, grec, espagnol, français, arabe…) !

En ce sens, le meilleur épisode pour moi est sans doute le troisième, qui se passe lors du Masters 1000 d’Indian Wells en Californie. Un Master est le deuxième tournoi le plus important après un Grand Chelem dans la hiérarchie des tournois, en particulier par rapport aux points ou à la récompense pécuniaire qu’il rapporte. En tant que public, nous voyons les joueurs et joueuses sur le terrain mais rarement les coulisses, et cet épisode nous donne notamment l’occasion de découvrir les coachs derrière l’Américain Taylor Fritz et de la Grecque Maria Sakkari, avec des méthodes et discours un peu différents. J’ai particulièrement apprécié l’approche de Tom, coach de Sakkari qui la comprend et sait comment la faire se reconcentrer. On regrettera simplement que la blessure de Nadal lors de la finale contre Fritz n’ait pas été abordée.

Car en réalité, le tennis est un sport assez solitaire, physique et mental, même si les joueurs et joueuses ont leur équipe réduite qui les accompagnent. On aborde ainsi beaucoup l’aspect mental, plus que l’aspect physique. Plusieurs joueurs et joueuses insistent sur le fait que ce sport et le fait de gagner sont une drogue, un sentiment hyper-addictif qu’il.el.s pourchassent sans cesse. Avec les conséquences sur leur état mental qui en découlent. La joueuse espagnole Paula Badosa explique ainsi souffrir de dépression depuis longtemps. Comme le dit la mère de Félix Auger-Aliassime, le tennis (pro) « demande un potentiel physique, émotionnel et mental incroyable. » Les relations de couple sont aussi mises à l’épreuve (les joueur.se.s Matteo Berrettini et Ajla Tomljanovic sont ensemble depuis quelques années au moment du tournage mais se sont séparé.e.s depuis). C’est aussi un sport très frustrant, où la moindre petite erreur peut vous coûter beaucoup. De plus, il ne peut y avoir qu’un.e seul.e gagnant.e à la fin d’un match, c’est la cruauté du tennis, et du sport en général. C’est pourquoi le « prize money », le chèque qu’ils empochent pour pouvoir vivre et se maintenir à flot le reste de l’année, est primordial. On aurait d’ailleurs aimé un peu plus de détails sur l’aspect financier et comment iels font pour vivre de ce sport. Les joueurs et joueuses voyagent aussi la majeure partie de l’année, changeant de tournois toutes les semaines ou deux semaines, ayant peu de temps de repos chez eux. Le rythme de vie est donc très particulier.

Au-delà des dix portraits réalisés, une présence quasi fantomatique et mystique est souvent dans les parages, sans qu’on n’y ait jamais accès : Rafael Nadal. Il fait figure de demi-dieu qu’on voit de temps en temps sur le court, tout en étant l’homme à (a)battre du moment. Présenté comme un mec intouchable et terrifiant (il y a même un jump scare !), il est comme une sorte de requin qui va tous les bouffer (le thème des Dents de la mer n’est pas très loin). Des apparitions qui tranchent avec ce qui transparaît hors du court, mais qui confirme le mental féroce de l’Espagnol.


Pour l’anecdote, la plateforme américaine sort cette série le 13 janvier dernier, au moment du premier Grand Chelem de l’année : l’Open d’Australie, que Novak Djokovic vient de remporter pour la 10e fois de sa carrière. Pourtant, va se dérouler ce qu’on a appelé la « malédiction Netflix ». En effet, parmi les 10 joueur.se.s qu’a suivi la plateforme tout au long de 2022, aucun.e n’a atteint la deuxième semaine (donc les huitièmes, quarts etc.), soit parce qu'iels ont perdu leurs matchs, soit en ne pouvant participer au tournoi pour cause de blessure… Ironie du sort, quand on voit la Tunisienne Ons Jabeur complimenter l’équipe Netflix lors de son tournoi à Madrid en mars dernier en disant « à chaque fois que vous venez, je gagne ! ». Même le journal britannique The Guardian en parlé ! La sortie sur Netflix leur a-t-elle porté malheur ? On espère que non.

S’il s’agit de documenter un possible changement d’époque du tennis tout en le rendant populaire, alors la série fait du bon boulot et est une réussite. Par conséquent, si vous voulez en découvrir plus sur ce sport tout en passant un bon moment, n’hésitez pas à regarder Break Point ! La malédiction continuera-t-elle lors du tournoi de Roland Garros dans quelques semaines ? Je vous en reparlerai en juin avec la partie 2.

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