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Jofrey La Rosa

ALI (critique)

Alors que l'on commémore aujourd'hui les sept ans de la disparition de Mohamed Ali, revenons sur son biopic réalisé par le maestro Michael Mann : Ali. Un immense film qu'il est évidemment bon de revisiter.

Quand on parle de boxe, il y a évidemment un moment où le nom du surdoué Muhammed Ali va surgir en sein de la discussion. Et bien au-delà de la dimension sportive de la chose, l'aura de cette grande figure dans l'Histoire américaine méritait un film à sa hauteur. C'est pourquoi Ali, le film de 2001 signé du non moins surdoué Michael Mann, fit date dans le paysage très codifié du film sportif hollywoodien. Et revoir Ali aujourd'hui, c'est se rendre compte de beaucoup de choses.

D'abord qu'on manque de nos jours de biopic sportif qu'on trouvait à profusion en ce début de siècle, souvent de bonne facture, dans un classicisme propret mais efficace. On manquait aussi de film de Michael Mann, dont l'apport technologique et artistique manque terriblement : il n'avait pas sorti de film depuis Blackhat (Hacker) en 2015. C'est en effet avec ce film qu'il va commencer à doucement tester les nouvelles caméras numériques pour ensuite les utiliser davantage dans son film suivant Collateral, et exclusivement ensuite : Miami Vice, Public Enemies, Blackhat.


Adapter à l'écran une figure aussi emblématique du sport et de l'Histoire américaine, c'est un pari risqué, encore plus quand on a affaire à une personnalité aussi ambivalente qu'Ali, tant au niveau de la radicalité de son combat communautaire (l'esclavage, les droits civils des Noirs, son refus de mobilisation militaire, ses croyances islamiques) qu'à son tempérament explosif sur le ring et en dehors. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Mann ne passe pas sous silence tous ces aspects, et les explore au contraire avec aplomb, montrant un homme droit dans ses bottes quant à ses croyances spirituelles et politiques, mais séducteur et volage, souvent même arrogant. Will Smith prête ses traits au héros de ce biopic, lui donnant une profondeur que rarement le comédien a eu l'occasion d'atteindre, en plus qu'une physicalité radicale, où l'on s’étonne souvent de voir l'acteur performer des mouvements de boxe intenses dans un style de boxe propre à Ali, virevoltant et dansant. Magnifiés, les acteurs de ce film ont la place de briller, tant Smith que les seconds couteaux, tous très bons : Jamie Foxx, Jada Pinkett Smith, Mykelti Williamson, Jeffrey Wright, Mario Van Peebles... Et en effet, comme souvent dans la mise en scène de Mann, on est au plus près des personnages, de leurs émotions, de leurs corps, de leurs regards vagues et perdus, dans une sensualité, une brutalité, une viscéralité, auxquelles peu de réalisateurs peuvent prétendre.


Mann se prête les services d'Emmanuel Lubezki, chef opérateur qui a alors vent en poupe pour avoir signé la lumière des premiers films de Cuarón, du Sleepy Hollow de Burton ou de Meet Joe Black, et qui ira ensuite travailler avec Alejandro González Iñárritu ou Terrence Malick. Et l'association de Lubezki et de Mann sur Ali, la seule et unique, est explosive : en 2001, en pionniers, ils tentent une hybridation des formats analogiques et numériques. Ce dernier n'en était encore à ses prémices dans le cinéma professionnel mainstream, et pousse ici déjà très loin les limites du tournage de nuit, et ce dès les premières secondes de métrage, le bruit bouffant chaque parcelle de l'image, dans un montage alterné avec une scène plus "propre", tendant vers une abstraction formelle qui affirme le film comme une sempiternelle recherche esthétique, en plus qu'une exploration de la vie et du parcours d'un sportif hors normes. Cette exploration des nouvelles technologies à sa disposition, Michael Mann en fera son étendard dans sa deuxième partie de carrière, véritable posture jusqu’au-boutiste de l'artiste numérique qui en repoussera les limites et fera changer le cinéma vers ce qu'il est aujourd'hui. Mais en plus de ça, en une image, un traitement sonore, une note de musique, on remarque la patte de Mann, parfait chef d'orchestre méticuleux, dont le cinéma a un souffle précis, qui n’est propre qu'à lui. La faute probable à une sélection musicale au cordeau, entre des standards de la soul, Liza Gerrard et Salif Keita viennent donner une folle dimension de vie. Grand film sportif, grand cinéaste, grands acteurs, Ali a tout du grand cinéma, tel qu'on aimerait voir plus souvent.

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